1802-1885 Monstre sacré de la littérature française impliqué dans les combats de son temps.

1802-1885

«Nous avons tous une cause à inscrire dans nos pas»

Victor Hugo

Cher Victor Hugo, quel message pour éclairer notre nuit ?

Un nuage noir stagne sur la planète bleue. Une confusion, un sang d’encre que se font les uns et les autres. Une panique sourde, la mort d’un ancien monde qui s’éteint, d’un vieux volcan contraint de ravaler ses laves. Tandis que coulent des larmes. La nuit ne sera pas éternelle, il s’agit d’un goulot d’étranglement qui, comme celui de la naissance, oblige à se laisser aller avec le flux dans l’attente des contractions de la Terre. La date du terme approche.

Quel terme ?

Celui du jour qui succèdera à la nuit. Un réveil sous la lueur d’un autre soleil. La venue d’un nouveau jour.

Quel jour ?

L’heure des justes. De ceux dont seules les causes justes sont le moteur de leur existence. La curiosité va détrôner les intérêts.

Vous avez connu l’exil, une sorte de confinement ?

Le recul et le silence sont les meilleures lunettes pour considérer la globalité d’une situation. Et entendre le ressac de son cœur, s’assurer de la régularité des marées, deviner les pouvoirs de la Lune et discerner ce qui n’est pas audible par l’ouïe. L’arrêt contraint est plus salutaire que la marche forcée.

Parlez-nous de la misère humaine…

Elle se lit dans l’œil de celui qui ne considère pas l’autre, dans les barrières, les murs de la honte installés, les cloisons limitantes. Toute âme naît avec son carré de ciel bleu. La misère humaine se loge dans le repli sur soi et l’égoïsme, les deux facettes de cet ostracisme : le racisme de l’autre, la phobie de l’autre, la peur de celui qui nous fait face et nous interroge. La misère se trouve dans cet isolement.

Et des plaies de l’humanité…

La somme de siècles de blessures emmurées, celles de l’homme qui s’est égaré en chemin et ne comprend pas le sens de sa vie. L’homme déboussolé, qui a perdu son nord et le sens de son existence.

C’est-à-dire ?

Obéir à ses propres lois, suivre ses convictions. Ni girouette ni poisson-pilote. Ni coucou. L’homme doit connaître sa cause, la défendre. Chacun la sienne, nous avons tous une cause à inscrire dans nos pas.

Quelle était la vôtre ?

Me faire entendre. J’ai choisi tous les moyens d’expression pour lever le voile de ce Nouveau Monde, qui enfin est à votre porte. Je suis né tôt dans votre nouveau siècle. J’étais là avant qu’un autre soleil se lève. C’était la nuit… il faisait nuit… très noir en mon temps. Beaucoup de sommeil et je vois l’heure de votre réveil.

Que pensez-vous de notre Europe ?

Vous avez voulu la construire alors qu’elle était déjà là. Il suffisait de réunir les morceaux et de lire le puzzle. D’accorder à chaque pièce sa valeur au sein du tableau. Pas d’uniformisation, on est riche de part ses différences. La cohérence ne peut pas être que financière. Solidité = Solidarité. Pour que l’édifice soit solide il faut retrouver ses fondations, repartir de ses différentes bases. Le continent est vieux, aussi respectez son histoire, ses usages et ses identités. La puissance hégémonique n’est pas économique. Elle l’a été, mais ne le sera plus.

Comment œuvrer pour la paix, la liberté ?

Dans le respect des individualités. La loi du groupe n’est pas celle du troupeau.

Parlez-moi de l’incendie de Notre-Dame…1

Je n’ai rien à dire. Un symbole de plus, la fin d’un monde qui gargouille. Paris en son cœur a connu une forme de catharsis… pour le bien je l’espère.

La vie après la mort ?

J’ai entendu les voix de l’outre-tombe, ai touché du bout de mes doigts des âmes chères disparues. La frontière entre ces mondes est ténue. L’invisible est à votre porte. Il suffit de le considérer pour l’entendre, pas le voir, l’ouïe est le canal de passage. Tendre l’oreille. Si dans le coquillage sur la plage on entend la mémoire de la mer, dans notre oreille se trouve la mémoire de l’au-delà, de là d’où l’on vient et de là où l’on va. Il ne s’agit que du passage d’un état de matière à un autre. Pas plus. Rien d’extraordinaire. Voir entre les mondes demande juste de cligner des yeux pour recevoir la lumière sur une autre plaque sensible afin que les émotions apparaissent. Un phénomène de révélation comparable à celui de la photographie. Un liquide révélateur est nécessaire… je dirais qu’il se nomme la curiosité. Comme l’enfant qui s’enfonce dans la forêt sans peur d’y croiser le loup et qui bien au contraire y rencontrera fées et lutins. Il faut trouver sa porte d’accès, on a tous une clé, il suffit de ne pas se tromper de serrure et de se laisser guider, je vous assure, ce n’est pas compliqué.

Un dernier mot ?

Profitez du monde qui s’annonce. Les voix vont se faire entendre, celles d’ici (là où je suis), dans un concert de résonances qui éclaireront la nuit dans laquelle vous vous trouvez, mais à l’heure où vous ne dormez plus… Non vous ne rêverez pas. L’ombre et la lumière, en accord dans leurs différences, fusionneront pour d’autres puissances. Doux mélange du blanc de la feuille qui se révèlera dans sa présence et de l’ombre de l’encre qui brillera de ses traits pour un nouveau dessein

  1. Lire Notre-Dame, pourquoi ces flammes ?

À VOIR, À LIRE ET À ÉCOUTER

Les maisons de Victor Hugo Paris et Guernesey

La Légende des siècles de Victor Hugo, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard

Victor Hugo France Culture

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Vos commentaires
24.04.2024 | laurence de la Baume

Formidable !!!! Quelles réponses magnifiques et si encourageantes !!!
Merci, merci, merci…

24.04.2024 | Gilles

Merci Valérie pour ces belles pensées qui viennent régulièrement nous enchanter et nous faire réfléchir
Je t’embrasse, tendrement.

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