La colère file. Elle est un fleuve ayant pris sa source dans les méandres d’un cœur blessé, pressé d’aller se noyer dans l’océan de l’âme. La colère ne doit pas être enfermée, car elle bouillonne comme un volcan et la sève de son fiel pourrait nous intoxiquer. Tel le pu d’une plaie, la colère doit s’extraire. Il lui faut connaître la fièvre, un tumulte intérieur, pour que naisse le feu qu’elle puisse trouver sa voie de sortie et entendre sa voix. Irritation de l’âme, agression, blessure, injustice, la colère est une force vitale née de l’enfermement qui oblige à respirer, à ouvrir la cage du thorax. Elle n’est pas une passion, ni une rage qui aurait perdue la tête mais ressemble bien plus à la tempête. A un cyclone intérieur dont l’œil encerclé dans le calme est empêché de toute lecture sereine de l’instant présent. La colère est un élan de survie, un réflexe de l’esprit qui sauve sa peau. L’âme, le corps et l’esprit tous trois s’unissent pour accoucher d’une frustration, auprès de laquelle aucun des trois ne souhaite demeurer.
Parlons de colère juste, pas de celle que l’on retourne vers l’autre pour se le mettre à dos, ni vers soi pour se ronger les sangs, mais de celle avec qui on fait face. Un sang chaud qui demande du sang froid, du courage. L’autodéfense d’une vague protectrice, d’une force utile qui va contrer le tsunami des émotions, se battre aux côtés des incompréhensions de l’être en proie aux agressions et aux injustices.
La colère n’est pas un état de mauvaise humeur, elle est une humeur tout court. Un joker pour sortir du jeu de l’enfermement, la clé pour ouvrir la porte d’une prison malsaine. La juste colère n’est pas un prétexte mais une cause qui travaille à la bonne cause. Elle n’est ni vice ni péché comme l’histoire nous l’a souvent fait croire, et on aime la laisser repartir comme elle est venue pas surprise emportant au loin avec elle nos valises