1748-1793 Auteure de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, considérée comme l'une des premières féministes françaises. Militante pour l'abolition de l'esclavage, elle est guillotinée en 1793.

1748-1793

«Chaque vie est une déclaration, la réalisation de ses droits souverains»

Olympe de Gouges

Parlez-moi des droits de l’enfant naturel

La légitimité civile passe par le nom ; le nom est votre carte identitaire, ainsi se donner soi-même un nom, c’est afficher son identité.  Lorsqu’on peut le remettre en question, puisqu’illégitime, cela permet toute la liberté requise pour arborer son statut, définir ses statuts. Ne pas être la fille de mon père m’a permis de choisir ma voie. Ce qui est considéré comme un handicap, surtout pour une fille, devient constitutif de liberté, surtout pour une femme.

Que dites-vous de tous les abus sexuels qui aujourd’hui se révèlent ?

Enfin !… Sous son toit, celui de ses proches… Les abus sont souvent commis dans le cercle de la confiance, dès lors ceux qui les subissent sont davantage salis dans leur dignité et perdent toute confiance en eux. Je me suis toujours battue pour la dignité des peuples, des sexes. Les abus sont des crimes contre l’humanité, ils brisent une vie, ceux qui les commettent sont des meurtriers dans l’âme. On ne peut se remettre d’un viol, impossible de recoller les morceaux, aucun pardon ne saurait être assez fort. Il s’agit d’un crime impardonnable.

Comment le punir ?

Les pervers sont des criminels qu’il faut embastiller, isoler, condamner à des travaux forcés de leur conscience. Établir des camps de redressement de soins spécifiques, car ceux qui abusent l’ont souvent été eux-mêmes. Il faut briser les chaînes du silence. Dans les écoles, enrayer ce besoin de domination. L’éducation doit aborder la question du pouvoir sur l’autre, la notion de l’altérité.

Quels sujets développeriez-vous dans un manifeste aujourd’hui ?

Je traiterais d’un sujet : l’esclavagisme, encore d’actualité, et qui touche de nouveaux domaines. Car l’Homme sorti de sa souveraineté accepte, dès lors, de devenir un esclave, l’esclave du regard de l’autre, de l’argent, de son travail. Les hommes ont un désir inné de reconnaissance, mais s’ils apprenaient à mieux s’apprécier, il y aurait moins de relations de dépendance.
Mon premier article porterait sur l’abolition de toutes formes d’esclavage ; il les nommerait une à une. Mon second article viserait à favoriser l’expression des libertés individuelles ; l’homme est aujourd’hui capable de revendiquer ses opinions, mais souvent au nom d’un groupe ou d’une nation, rarement pour lui-même.

La liberté, qu’est-ce que c’est ?

La conscience de son devenir, d’aller vers ce qui est juste pour soi, sans compromis, de suivre lois et drapeaux personnels. C’est ce que j’ai fait dans ma vie, en traçant la route que je me dessinais, non celle à laquelle on me destinait, et ce, jusqu’à l’échafaud.

L’histoire a-t-elle vengé votre mort ?1

Oui… d’une certaine façon… avec l’abolition de la peine de mort et l’évolution de la condition des femmes. Ces deux points sont dans le droit fil de ma pensée, mais je suis surprise du temps que cela a pris, et prend encore, à se mettre en place. Deux siècles plus tard, les femmes revendiquent encore leurs droits. La guillotine m’a empêchée d’écrire et de parler, aujourd’hui d’autres méthodes sont utilisées pour faire taire les personnes dérangeantes, plus sournoises mais toutes aussi barbares, croyez-moi.

Que souhaitez-vous dire aux femmes ?

Levez-vous, parlez haut et fort, manifestez votre intelligence, usez de votre délicatesse, l’énergie féminine est à l’œuvre, c’est l’heure. Une énergie indispensable pour manœuvrer le sort de la planète et l’équilibre de l’histoire. Les forces purement masculines ne sont pas les instruments, les clés de navigation pour faire fonctionner le navire dans les eaux qui se présentent. L’énergie féminine est porteuse des espoirs de demain, une énergie qui n’appartient pas qu’aux femmes.

Et de dire aux hommes ?

Le féminisme n’est pas une revanche, la parité des sexes est un enjeu majeur pour l’équilibre de la société, l’évolution harmonieuse. Si la parité n’est pas établie de fait et dans les esprits, cela constitue un danger pour la société. Le problème de la domination touche toutes les sphères.

Un désir d’affirmer sa puissance ?

Le désir de domination a entraîné la discrimination, le discrédit. L’homme en général a le fâcheux besoin de créer des échelles de valeurs, des ordres de grandeur. Dès l’école on apprend à classer du plus petit au plus grand. Comparer n’est pas une façon de comprendre. Se mesurer, se positionner, se déterminer en fonction de l’autre crée des blessures, est une plaie pour l’humanité. Se mesurer à soi-même, là est la grandeur. Chacun est à son échelle et doit gravir ses propres échelons.

Qu’avez-vous à dire aux politiques ?  

Considérez l’échelle mondiale, celle du globe, c’est votre responsabilité.

L’échelle mondiale ?

Celle de la planète, seule véritable préoccupation, car tous les peuples ne sont pas assis sur la même branche, mais ont les pieds sur la même Terre. Pas de branches hautes ou basses, il s’agit d’un même et seul arbre… l’arbre généalogique de l’humanité.

Un dernier mot…

N’ayez jamais peur de dire ce que votre cœur vous dicte, cela s’appelle le courage, l’une des valeurs les plus fondamentales pour moi. Exprimez la vie qui vous habite. Chaque vie est une déclaration, et la réalisation de ses droits souverains. Être en soumission, c’est ne pas intégrer sa mission personnelle. Ne pas la réaliser, c’est ne pas incarner ses valeurs, celles qui vous sont uniques et vous transportent dans la réalisation de vous-même

  1. Sous la guillotine Olympe de Gouges aurait déclaré : «Pensez à moi et souvenez-vous de l’action que j’ai menée en faveur des femmes ! Je suis certaine que nous triompherons un jour !»

À LIRE ET À ÉCOUTER

Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne Olympe de Gouges, Poche

Olympe de Gouges Wikipedia 

Olympe de Gouges racontée par Benoîte Groult

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