Quels messages pour nous et la médecine d’aujourd’hui ?
À mon époque, soigner le corps était guérir l’âme. Cela était entendu, aujourd’hui à peine le découvrez-vous. Il s’agissait d’un apprentissage de ses zones d’ombre, d’éclairer les doutes, les peurs et tout ce qui pouvait, comme un mal, venir assombrir la libre circulation des fluides, de l’énergie vitale. Se guérir était se nettoyer, avant tout en respectant la vie. Il s’agissait de se mettre à la disposition de ses ressources. Aujourd’hui, vous bombardez le corps, ainsi avez-vous créé des seuils de résistance plus élevés. Le terrain n’est plus le même. Or, pour détruire du béton, il faut utiliser des explosifs. De même la terre n’est plus à nu, aussi ne peut-elle avoir recours à ses propres ressources curatives, celles qui en elle avaient été déposées. Se ressourcer, ce dont vous parlez aujourd’hui, est difficile, car vous avez par trop bu l’eau de la source et surtout, l’avez déviée de son parcours initial. Retrouver les anciens songes pour les nettoyer, voilà ce dont il s’agissait. La cure était la thérapie – curer était se soigner.
Une cure, mais encore ?
Cure thermale, bien sûr, pour le nettoyage, cure de silence, pour l’écoute de ses tréfonds, cure de la matière pour transcender avec conscience la gravité et ses épreuves. Éprouver, pour ne plus subir les épreuves. Ce que j’enseignais ici-même était à considérer dans la globalité des humeurs. Vous avez disséqué le corps humain et donc ne pouvez envisager le souffle. Or c’est ce souffle qui, comme l’eau arrose la plante, lui offre la bonne santé. Il s’agissait pour guérir, de restaurer le souffle, d’ouvrir les portes qui s’étaient fermées, pour aller là où il ne pouvait plus circuler. Tout est une question de circulation, à tous les niveaux, dans toutes les humeurs. Vous parlez de réseaux, les voyez exogènes, alors que vous feriez mieux de vous occuper de vos réseaux endogènes, car c’est par eux que vous dispensez, que vous vous autorisez à dépenser. Absorbés dans vos pensées, absents de votre panse. Vous partez des pensées pour aller à la panse, or c’est à la panse, comme point de départ, qu’il faut retourner.
Vous voulez parler du ventre ?
Oui, tout part du ventre.
Avez-vous enseigné ici, sur l’île de Kós ?
Oui, les gens venaient m’écouter par curiosité. Ne parlons pas de disciples, pour moi l’école aurait dû être humaine.
Mais quel est ce serment ?
Vous l’avez nommé ainsi. Il s’agissait plutôt d’un lien de vérité, d’un engagement personnel à poursuivre les lignes de conduite que j’avais édictées.
La connaissance, d’où vous est-elle venue ?
Des étoiles, de textes, donc de l’Égypte, bien sûr.
Vous avez été initié dans les temples…
Oui, et ce sont les enseignements que j’ai souhaité prolonger pour conserver l’authenticité des préceptes là transmis¹, mais je savais que c’était peine perdue pour l’avenir.
Quel sens donner à la médecine ?
Il ne s’agit pas de prolonger la vie, car il ne faut pas longer sa vie. Elle n’est pas une longueur de temps. Elle est une circonférence, un ventre, une unité. Vous voyez les choses dans la longueur, sur le fil… La vie ne tient pas à un fil, mais à plusieurs cordes d’alimentation, qui doivent toutes être considérées dans leur ensemble. Voilà pourquoi certaines personnes vivantes sont presque mortes et à l’inverse, d’autres quasi mortes, encore en vie. Oui, la médecine a fait des progrès pour contrecarrer les méfaits, mais il fut un temps où l’on vivait bien plus longtemps ! Le jour où vous aurez compris que la longévité n’est pas la santé… L’essence de la santé est d’être dans la vie pleine, c’est-à-dire que jaillisse la fontaine intérieure et qu’elle dispense, arrose, toutes les parties du corps, afin qu’il n’y ait pas de branches mortes.
Alors qu’est-ce que la vie ?
La vie est une somme de 9, de preuves par neuf, de cycles de 9. Regardez cet arbre² que l’on tente de sauver, n’est-il pas malheureux ? Vide, creux et sans sève ? Voilà ce que vous comprenez de ce que j’ai laissé ? Un serment qui préférerait n’être que des sarments ? Il résiste. De même êtes-vous dans la résistance plutôt que dans l’existence. Résister ? Là est le fléau. Résister aux microbes, aux maladies… En établissant ces zones de résistance, vous avez créé du béton, une matière morte. Regardez, juste derrière, l’écroulement du bâtiment³, ce qu’il reste de sa résistance : des miettes. Voilà, en résistant, on se met en miettes. Rien ne sert de recoller les morceaux, l’essentiel est de conserver la cohérence de son unité, et pour cela, je le redis, la libre circulation des fluides. Les tissus, les fascias assurent la cohérence. Sortes de poches amniotiques, de péritoine. Toutes les poches ont leur rôle. Comme en géologie, les poches sont des parents bien aimants. Aller avec le flux, c’est la recette de la santé du corps et de l’esprit. L’accélération du temps entraîne une accélération de l’espace : ça tourne rond, mais ça tourne plus vite. Adaptez votre rythme. Ça va être dur pour le corps, tel qu’il est conçu, de continuer à maintenir l’équilibre, avec les accélérateurs de particules, de molécules. Si les fluides sont en bon état, les digues ne pèteront pas… Regardez les AVC, les crises cardiaques, l’affolement des cellules… Ça gronde en vous, comme ça gronde dans le ventre de la terre. Les fils de vos entrailles, quels sont-ils ?
Que faire, quels conseils ?
J’ai obéi aux lois du cosmos. En premier lieu, j’ai compris que c’est à ces lois qu’obéit le corps. Vous pouvez modifier quelque manteaux de la Terre et de votre ventre, mais il s’agit-là d’une forme de suicide de l’espèce, peut-être pour céder sa place à une autre ? Prenez soin de votre corps, vous l’avez compris, c’est votre guide sur cette terre. Chérissez-le, prenez-en soin. Ne pas le croire invincible et rapide, se mettre au diapason de la nature et de ses cycles, ne pas aller au chaud dans l’hiver, accorder son temps à chaque temps – repos, alimentation, exercice : voilà comment retrouver le rythme universel, qui assure l’équilibre du corps momentanément incarné, exprimé. Parcelle, graine de l’univers… comme cet arbre admiré pour n’être que le prolongement de lui-même, de moi-même, alors que celui d’à-côté resplendit. En mon temps, ce n’était pas un platane, mais un figuier, un sycomore… J’enseignais-là les vertus de la nature, sous son inspiration il est vrai
- Enseignement dispensé dans les temples au sein de l’École des Mystères, ou École de Vie.
- L’arbre sous lequel Hippocrate enseignait à Kós, en Grèce.
- Derrière l’arbre se trouve un mur effondré à la suite du dernier tremblement de terre sur l’île, en 2017.
Article remarquable et passionnant!
Enfin lu cet article ! À relire. Car sa richesse est telle, qu’il ne se digère pas en une seule fois. Ses paroles apaisent.